Si la simple expression de la douleur et de la joie soulage le coeur, les epanchements de la poesie lyrique [ont] une mission plus haute ; celle, non de delivrer l'esprit du sentiment, mais de l'affranchir dans le sentiment. En effet, la domination aveugle de la passion consiste en ce que l'ame s'identifie tout entiere avec elle, au point de ne plus pouvoir s'en detacher, de ne pouvoir se contempler et s'exprimer elle-meme. Or la poesie delivre, a la verite, l'ame de cette oppression en lui mettant sous les yeux sa propre image. Elle fait de chaque sentiment accidentel un objet purifie, dans lequel l'ame affranchie retourne libre a elle-meme dans sa conscience delivree et s'y retrouve chez elle.