Ensuite, la peur se tourne vers votre corps, qui sent deja que quelque chose de terrible et de mauvais est entrain de survenir. Deja, votre souffle s'est envole comme un oiseau et votre cran a fui en rampant comme un serpent. Maintenant, vous avez la langue qui s'affale comme un opossum, tandis que votre machoire commence a galoper sur place. Vos oreilles n'entendent plus. Vos muscles se mettent a trembler comme si vous aviez la malaria et vos genoux a fremir comme si vous dansiez. Votre coeur pompe follement, tandis que votre sphincter se relache. Il en va ainsi de tout le reste de votre corps. Chaque partie de vous, a sa maniere, perd ses moyens. Il n'y a que vos yeux a bien fonctionner. Ils pretent toujours pleine attention a la peur. Vous prenez rapidement des decisions irreflechies. Vous abandonnez vos derniers allies: l'espoir et la confiance. Voila que vous vous etes defait vous-meme. La peur, qui n'est qu'une impression, a triomphe de vous. Cette experience est difficile a exprimer. Car la peur, la veritable peur, celle qui vous ebranle jusqu'au plus profond de vous, celle que vous ressentez au moment ou vous etes face a votre destin final, se blottit insidieusement dans votre memoire, comme une gangrene: elle cherche a tout pourrir, meme les mots pour parler d'elle. Vous devez donc vous battre tres fort pour l'appeler par son nom. Il faut que vous luttiez durement pour braquer la lumiere des mots sur elle. Car si vous ne le faites pas, si la peur devient une noirceur indicible que vous evitez, que vous parvenez peut-etre meme a oublier, vous vous exposez a d'autres attaques de peur parce que vous n'aurez jamais vraiment bataille contre l'ennemi qui vous a defait.