Attends. Laisse-moi dire adieu a cette legerete sans tache qui fut la mienne. Laisse-moi dire adieu a ma jeunesse. Il y a des soirs, des soirs de Corinthe ou d'Athenes, pleins de chants et d'odeurs qui ne m'appartiendront plus jamais. Des matins, pleins d'espoir aussi... Allons adieu! adieu! (Il vient vers Electre.) Viens, Electre, regarde notre ville. Elle est la, rouge sous le soleil, bourdonnante d'hommes et de mouches, dans l'engourdissement tetu d'un apres-midi d'ete; elle me repousse de tous ses murs, de tous ses toits, de toutes ses portes closes. Et pourtant elle est a prendre, je le sens depuis ce matin. Et toi aussi, Electre, tu es a prendre. Je vous prendrai. Je deviendrai hache et je fendrai en deux ces murailles obstinees, j'ouvrirai le ventre de ces maisons bigotes, elles exhaleront par leurs plaies beantes une odeur de mangeaille et d'encens; je deviendrai cognee et je m enfoncerai dans le coeur de cette ville comme la cognee dans le coeur d'un chene.