Site uses cookies to provide basic functionality.

OK
-Je t'aime, dit tout bas M. Jo. Dans le seul livre qu'elle eut jamais lu, comme dans les films qu'elle avait vus depuis, les mots: je t'aime n'etaient prononces qu'une seule fois au cours de l'entretien de deux amants qui durait quelques minutes a peine mais qui liquidait des mois d'attente, une terrible separation, des douleurs infinies. Jamais Suzanne ne les avait encore entendus prononcer qu'au cinema. Longtemps, elle avait cru qu'il etait infiniment plus grave de les dire, que de se livrer a un homme apres l'avoir dit, qu'on ne pouvait les dire qu'une seule fois de toute sa vie et qu'ensuite on ne le pouvait plus jamais, sa vie durant, sous peine d'encourir un abominable deshonneur. Mais elle savait maintenant qu'elle se trompait. On pouvait les dire spontanement, dans le desir et meme aux putains. C'etait un besoin qu'avaient quelquefois les hommes de le prononcer, rien que pour en sentir dans le moment la force epuisante. Et de les entendre etait aussi quelquefois necessaire, pour les memes raisons.